Jean 1, 35 - 42 : "avec le "la", tout va...

Publié le par lecoeuretlamain.over-blog.com

Narbonne

14 janvier 2024

Jean 1, 35 - 42

«avec le « la » tout va… »

Avec la revue Lire et Dire

 

INTRODUCTION : Dimanche dernier, nous avons entendu que le Seigneur peut appeler de parfaits et illustres mages inconnus presque du bout du monde et les conduire jusqu’à celui qu’Il nommera lui-même « mon fils, mon bien-aimé ». Ce fils ainsi nommé, je devrais dire, le tout petit bébé, que ses parents ont appelé Jésus, qui en hébreu signifie « Dieu sauve » est lui, engoncé dans ses langes, et il ne sait encore rien de son devenir. Ses parents, eux, se doutent bien que son destin ne sera pas un long fleuve tranquille : Syméon, en a dévoilé quelques perspectives lumineuses et aussi, hélas, plus que sombres. Nous en avions parlé le dimanche d’avant.

Nous voilà maintenant, avec cet enfant-là, devenu adulte, après son baptême par Jean et identifié par le rédacteur de notre Évangile dans les tous premiers versets comme « la Parole », la « lumière », le « Fils unique » mais aussi « quelqu'un que vous ne connaissez pas ». L’enfant devenu homme passe et des disciples vont se lever pour marcher à ses côtés. Oh ! ce sont des humains avec leur hommerie selon l’expression de Chouraqui, une petite troupe va se former puis grandir, grandir, grandir… jusqu’à l’armée innombrable que l’on peut constater aujourd'hui : plus de 2 milliards d’hommes et de femmes ont accepté ce parcours de vie, ce qui ne va pas sans quelques tensions et même conflits dogmatiques, ritualistes et autres « iques » et « istes » dont les humains ont le triste monopole. Mais quand le Seigneur décide de vous tomber sur le paletot, n’importe quand, n’importe où, n’importe comment, ça ne peut que bien finir. Nous en parlerons.

 

1) contexte :commençons par le contexte de notre récit. Jean le baptiste vient d’être interpellé par des pharisiens qui se demandent qui est ce type qui vocifère sur les bords du Jourdain et malgré ses fulminations menaçantes attire à lui toujours plus de monde. Tous ces gens qui arrivent de tout le pays pour se faire baptiser mais avant, se font passer à la moulinette des anathèmes sans concession de ce prophète de malheur, c’est plutôt intrigant. Jean leur explique qu’il n’est ni le Christ, ni Elie, ni le prophète, ce qui ne l’empêche pas de baptiser. D’ailleurs Jésus vient à lui pour recevoir son baptême et Jean, après avoir vu l’Esprit descendre sur lui comme une colombe, témoigne : « Dieu qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l'Esprit Saint ».

Rien donc d’étonnant qu’au passage de Jésus, il s’écrie : « Voici l’agneau de Dieu ».

 

2) les disciples : et là l’inattendu, entré dans la vie de Jésus depuis avant même sa naissance, frappe encore. Les deux disciples présents, donc venus pour entendre Jean, et recevoir son baptême, découvrent une perspective imprévue dans leur suivance. L’Agneau de Dieu passe près d’eux. Ça, ce n’était pas prévu dans leur agenda. Mais le Seigneur n’a que faire de nos agendas quand il a programmé quelque chose d’autre. Et voilà ces deux hommes qui prennent la tangente et suivent ce Jésus dont leur maitre parle avec tant d’exaltation. L’agneau de Dieu ! Pour eux, l’agneau, c’est celui dont ils ont entendu parler à la synagogue, cet agneau immolé lors de la première paque, célébrée chaque année, et qui marque la libération de l’esclavage égyptien.

Le texte ne nous dit pas en détail comment l’exclamation de Jean a opéré dans l’esprit des deux hommes. Simplement, après l’avoir entendue, ils suivent Jésus, qui, lui, calmement, leur demande ce qu’ils cherchent. Leur réponse est plutôt à côté de la plaque : « où demeures tu ? ». On se demande ce que la réponse à cette question pourrait bien leur apporter … Certains exégètes vous diraient qu’il voulait sa voir s’il était essénien. Des tas de bouquins sont à votre disposition si  le sujet vous intéresse. Mais bon, Jésus leur répond : « venez et vous verrez ». ils le suivent et restent avec lui  plusieurs heures au moins. Silence radar sur ce qui se passa alors.

Contrairement aux synoptiques, dans cet épisode, ce n’est pas Jésus qui appelle mais ce sont des témoins qui jouent les intermédiaires. « Dans les synoptiques, c’est Jésus qui choisi ses disciples. Ici, c’est Jésus qui est choisi.»

Qui sont ces deux premiers disciples ? L’un d’eux, désigné comme « l’autre disciple » disparait des radars et notre attention est portée vers André qui va devenir un témoin auprès de son frère Simon qui le rejoint pour suivre celui dont André lui a dit : « Nous avons trouvé le Messie ».

Le messie, l’oint, celui qui va rétablir toutes choses et apporter le bonheur terrestre au peuple élu, c’est ce qu’attendaient les juifs de cette époque. Alors, le suivre, c’est être aux premières loges pour voir et vivre la délivrance de tous leurs maux. Nous savons que les disciples étaient persuadés que Jésus allait les délivrer de l’asservissement romain, et accomplir, de leur vivant, toutes les promesses que les prophètes avaient faites.

Ça valait le coup de le suivre ! C’est que firent André et son frère Simon, rebaptisé Céphas. Puis d’autres se joignirent à la petite troupe à l’appel de Jésus.

 

3) c’est pas toujours comme on s’y attend : Notre texte let en lumière que devenir disciple peut se vivre non seulement sur un appel du Maitre : « toi, suis moi », mais aussi, grâce à un témoignage comme celui de Jean : « voici l’agneau de Dieu » ou d’André : « nous avons trouvé le Messie », ce que confirme les derniers versets de l’Évangile selon Matthieu, « allez donc auprès des gens de tous les  peuples et faites d’eux mes disciples ».

Être un disciple c’est quoi ?

- d’abord c’est vivre un parcours vers Dieu dans un parcours vers soi-même, vers ses propres attentes et espérances. C’est rencontrer Dieu et accepter l’éventualité d’un changement, d’une conversion qui nous fera bifurquer à la croisée du chemin comme le fit André.

 - c’est aussi vivre un parcours vers les autres pour témoigner des dons reçus. La revue lire et dire a cette expression : « on boira de cette eau parce que d’autres la trouvent bonne ».

- c’est aussi vivre un parcours vers un ailleurs dans une relation à Dieu ouverte à un avenir bien plus large que celui que nous envisagions.

Je cite à nouveau la revue Lire et dire : « le disciple est celui ou celle qui a une attente, une recherche et qui pour cela se déplace, se met en mouvement. Il ou elle se déplace vers Jésus mais aussi vers ses frères et sœurs, vers ses amis, vers d’autres. Trouver Jésus c’est aussi retrouver ses frères et sœurs, c’est trouver d’autres disciples.

Le disciple est celui ou celle qui formule ce qu’il a trouvé ou ce qu’il croit dans des expressions qui lui parlent et qui sont comprises par d’autres. On pourrait dire que tout disciple fait de la théologie, dès qu’il dit, dès qu’il exprime dans sa culture et dans son histoire qui est Jésus.

Même si le disciple a déjà trouvé ce qu’il attendait, il a par contre encore à recevoir et à découvrir dans l’avenir ; le disciple est entre ce « déjà là » et « pas encore ».  C’est parce que tout vient de basculer lors de ces rencontres que tout va aussi basculer dans l’avenir.

Le disciple vit ainsi une dynamique

-qui se trouve dans ses rencontres et dans ses déplacements vers les autres

- qui se retrouve dans ses paroles et dans ses témoignages

- et qui, enfin, va trouver dans son avenir des évènements qui vont continuer de bouleverser sa vie et sa foi du disciple. »(fin de citation)

 

Conclusion : Devant la diversité de celles et ceux qui suivent Jésus en disciple, diversité de personnalité, de culture, d’accueil de la Parole dans notre 21ème siècle où la mondialisation nous fait rencontrer des disciples du monde entier et partager ce qu’ils vivent, parfois dans une sidération médusée, comme moi devant un reportage, cette semaine, sur nos frères et sœurs éthiopiens, je rends grâce au Seigneur. Il nous a donné, il nous donne et nous donnera encore la présence, chaque fois unique et individuelle, de celles et ceux qui proclament « voici l’Agneau de Dieu » et « nous avons trouvé le Messie ». Et peu importe les différences que notre humanité suscite, ce qui importe c’est que nous sommes, toutes et tous enfants de Dieu, ce miracle permanent qui ouvre à l’accueil de  l’autre inconditionnellement.

André Gounelle fait vivre cette diversité universelle de disciples dans l’espace et dans le temps, dans une image, je le cite, et ce sera notre conclusion : « J’aime l’autre en tant qu’autre, dans son altérité, je l’aime précisément parce qu’il est différent de moi. Cette différence je dois la respecter, même si cela m’est difficile, incontestablement, cela ne va pas de soi ! Je ne dois surtout pas essayer de faire du différent le même, sans quoi c’est funeste, quand tout le monde pense et dit la même chose. C’est comme avec la musique : si votre orchestre n’est constitué que des mêmes instruments, vous obtiendrez éventuellement l’unisson, mais seul un ensemble d’instruments différents vous permettra d’atteindre l’harmonie[1] ».

Les musiciens ont le « la » universel du diapason. Notre diapason, c’est la Parole ; elle donne un « la » que nous appelons, dans notre jargon de musiciens-disciples : « Agneau de Dieu », « Messie ». ça n’a pas changé depuis le temps de Jésus…

A vos instruments ! chacune, chacun le sien. La Parole nous a donné le « la ». Trois, quatre, c’est parti !Amen.

     

 

[1] Journal Réforme 4 janvier 2023 p. 4

Publié dans Prédications

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