Jean 20, 19 - 31 (reprise) "la paix soit avec vous"

Publié le par lecoeuretlamain.over-blog.com

Narbonne 7 avril 2024

 

LA PAIX SOIT AVEC VOUS

 

Jean 20, 19-31

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Introduction : (Jean, 20, 19) : « Le soir de ce jour, qui était le 1er jour de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient fermées, par la crainte qu’ils avaient des juifs. »

 

Contexte : Ils sont tous là, ceux que l’évangéliste appelle : les disciples. Combien sont-ils ? Nous pensons spontanément aux 11 c’est-à-dire aux 12 moins Judas Iscariote. Ils sont peut-être plus nombreux. Ceux sont les même qui étaient réunis autour du Maître lors du dernier dîner et qu’Il avait appelés : « ses amis ». Ils se souviennent de ses paroles : « Vous serez affligés, mais votre affliction tournera en joie ». Ce sont les mêmes qui sont là, peut-être à l’endroit où ils se trouvaient lorsque Jésus était avec eux et leur parlait. A présent, ils sont seuls et ils ont peur. Ils ont verrouillé les portes de la maison, comme si pour eux la vie s’était arrêtée depuis la mort de Jésus, comme si la vie était partie avec lui.

 

Les premières paroles : Et Jésus vint, comme un passe-muraille qui dû franchir la clôture qu’ils avaient élevée autour de leurs peurs, autour de leur deuil. Il est là, au milieu d’eux :

 

LA PAIX SOIT AVEC VOUS

 

En français, cinq mots, en grec, deux et les juifs de l’époque de Jésus le résumaient en un seul en hébreu : SHALOM. C’est ce que Jésus a probablement dit aux disciples qui ont peur, qui se cachent derrière des murs, qui ont abandonné leur maître sur la croix. Il vient et leur dit : « La paix soit avec vous », une formule de bénédiction que Dieu avait donnée à Moïse et que nous retrouvons dans le livre des Nombres au chapitre 6 et au verset 23 : «  L’éternel parla à Moïse, et lui dit : vous bénirez ainsi les enfants d’Israël : que l’Eternel te bénisse, et qu’il te garde ! Que l’Eternel fasse luire sa face sur toi et qu’il t’accorde sa grâce ! Que l’Eternel se tourne vers toi, et qu’il te donne sa paix. » SHALOM ! Cette interpellation réunit et contient à la fois tout ce verset : bénédiction, protection, présence divine, grâce et paix. Nous sommes très loin de notre tout petit « bonjour ». Il leur dit, Lui,  : La paix soit avec vous !

 

Le résultat : Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. Sa vie brisée et anéantie, est restaurée, remise debout, celui que la violence et la mort leur avaient enlevé est vivant et présent au milieu d’eux. Celui-là même que la mort avait réduit au silence, parle : La paix soit avec vous ! Et sa parole ouvre l’avenir, chasse la tristesse et la peur, libère la joie … pas très démonstrative … cette joie libérée, nous le verrons plus loin.

 

Ce qui est étonnant, c’est que Jésus a montré à ses disciples ses mains et son côté, et que les disciples, eux, ont vu le Seigneur. L’homme qui est devant eux, c’est bien celui qu’ils ont connu, avec lequel ils ont mangé, qui porte sur lui les marques de la violence et de la mort. Mais dans cet homme, les disciples voient le seigneur, qui, tout en étant présent, ce soir, avec eux, est au-delà de tout lieu et de tout présent ; il abolit la barrière entre la vie et la mort et il fait advenir la paix.

 

LA PAIX SOIT AVEC VOUS !

 

Ce qui aurait pu être : Il aurait pu leur faire un sermon pur et dur, les mettre dans l’embarras, un sermon où il n’y aurait eu que des reproches, des mises en gardes, des accusations : leur lâcheté… leur fuite… leur absence… Il aurait pu les bombarder de questions : vous n’avez donc rien appris ? vous n’avez donc rien compris ? si votre foi avait été grosse comme un grain de moutarde… Mais non : La paix soit avec vous !

 

Jésus donne la paix : Il leur apporte la paix, il leur annonce la paix, la bénédiction, la grâce, la présence de Dieu dans leur vie, ici, dans cette pièce obscure encore toute pleine de leurs angoisses et de leurs peurs. La paix de Dieu : une force vivante et dynamisante qui produit la joie, la confiance, le bien-être. Elle vient de l’assurance profonde que Dieu est présent dans nos vies, à chaque instant. Leur vie, son sens, dépendent de Dieu, et seulement de ce Dieu qui a exprimé son amour profond pour chacun d’eux en Jésus-Christ. C’est l’amour de Dieu et la puissance de sa vie, telle qu’elle est manifestée dans la résurrection de Jésus, qui est la source de notre paix. Comme le dit Paul, et je ne me lasse pas de lire, de dire et de redire ce verset : « Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, rien ne pourra me séparer de l’amour manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur ». [[(Romains 8, 38-39).]]

 

Les disciples reçoivent la paix : Pour les disciples, ce dut un vrai passage de la peur à la paix, de la mort à la vie. Ce renversement est tel qu’il les fait passer d’un univers complètement recroquevillé sur lui-même à une ouverture et un horizon qui font exploser toutes les limites existantes, celles du cœur de l’homme, autant que celles qui peuvent éloigner les hommes les uns des autres.

Le Ressuscité se rend présent au milieu des siens. Il est debout. Le gisant du tombeau est devenu le Ressuscité, vainqueur de la mort. C’est cette présence-là qui est source de paix pour eux.

 

Cette paix que Jésus leur donne, non pas à la manière du monde est la synthèse de tous les dons de Dieu. Elle lève en eux la reconnaissance, la joie, le dépassement de la vengeance, l’amour qui aime sans compter… A-t-il compté, lui, les reniements de Pierre, les peurs des disciples, leurs querelles, leurs interprétations plus que douteuses du pouvoir reçu de Dieu ? Il a livré son amour jusqu’au bout, un amour plus fort que tout, plus fort même que la souffrance indicible, incompréhensible de la Croix.

Cette paix-là transforme leur être intérieur, fait d’eux des hommes nouveaux, dont la foi va, cette-fois, soulever des montagnes, comme le petit grain de moutarde, cité plus haut. A leur tour, ils vont annoncer haut et fort, le pardon, à celui qui est écrasé de remords, à celui qui est rongé par la honte, à celui qui croule sous le poids de sa culpabilité. Des hommes nouveaux, oui.

 

Alors Thomas s’écrie :

 

MON SEIGNEUR ET MON DIEU !

 

Contexte de l’Écriture de l’Évangile : Thomas, nous pourrions en parler en faisant un peu d’histoire. L’évangéliste doit écrire vers les années 80-90, c’est-à-dire, environ 60 ans après ces évènements. Jérusalem est déjà détruite et la jeune Eglise qui vit dans la paix que Christ ressuscité leur a donnée, subit de lourdes persécutions. Les Chrétiens d’Asie Mineure pourraient bien et peut-être le font-ils, s’enfermer dans la chambre haute de leurs craintes et, déjà, des dissidences qui se font jour. Paul d’ailleurs nous en dit beaucoup dans ses lettres à ce sujet. Le monde ambiant leur est hostile et ils sont traités plutôt comme des marginaux, victimes de lois discriminatoires et vexatoires édictées par l’Empire Romain, même s’ils ont pu s’engouffrer dans des ouvertures légales comme celles des associations.

Peut-être se croient-ils disqualifiés par rapport à la première génération de chrétiens et en particulier aux témoins oculaires des évènements retranscrits dans l’Evangile de Jean : « Ah ! si nous avions pu voir ! si nous avions pu toucher ! il nous serait bien plus facile de croire et de transmettre le message de paix et de vie… » L’évangéliste leur répond au verset 29 : « Heureux ceux n’ont pas vu et qui ont cru ».

 

Une de ses raisons d’être : L’épisode de Thomas permet à l’évangéliste de les inclure, de nous inclure, nous et tout disciple qui viendra après cette scène, dans l’événement fondateur de la foi. Thomas, dit, Didyme, « le jumeau ». Nous se saurons rien de ce jumeau, dont il est parlé ici en creux, et si ce jumeau c’était nous ? Thomas ne pourrait-il pas être notre jumeau dans la foi ?

 

Les événements selon Thomas : Revenons donc à ce moment où Thomas entre en scène. Il faut dire que les autres disciples ont été plutôt laconiques à propos d’un des plus grands évènements de tous les temps, en tous cas pour nous, croyants. Jésus, mort, est ressuscité ! Et eux, que disent-ils à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur »… très condensé n’est-ce-pas ? Alors Thomas veut aller plus loin. C’est tout juste s’il ne croit pas qu’ils ont été victimes d’une hallucination collective, provoquée par leur trouble et leur enfermement dans la chambre haute, là, dans le noir, avec un juste un petit rai de lumière qui arrive par le toit.

 

Il veut voir les marques des clous, mieux, il veut enfoncer son doigt à la place des clous et sa main dans le côté transpercé par la lance. Il ne veut pas seulement voir, il veut toucher, constater. Tiens ! un disciple libéral ! Déjà ! Thomas est le plus moderne des disciples. Pour s’assurer que le Seigneur qu’ont vu ses condisciples n’est pas un spectre, un fantôme, il veut les faire passer de l’hallucination à l’expérience, du rêve au concret. Le seul Seigneur en qui Thomas veut croire, le seul à qui il veut avoir affaire, c’est le Christ et le Christ crucifié. Comment notre modernité ne se sentirait-elle pas proche de Thomas, à la fois théologien de la croix et apôtre des sciences expérimentales ?

 

Si je me sens si proche de Thomas, mon jumeau, c’est parce qu’il est écartelé entre sa foi et sa raison, entre le croire et le voir. Les 2 sont-ils inconciliables ? Certainement pas, tant que, comme Thomas, je m’en tiens à mes seules ressources. Au fond, si Thomas est un homme de l’extérieur, s’il ne peut pas rester enfermé et qu’il a besoin d’expérimenter, de voir, d’entendre, de toucher, de sentir, il y a tout de même chez Thomas, un verrou, que Jésus vient faire sauter en allant plus loin que lui dans la surenchère et le paradoxe. Dans la manière dont il interpelle Thomas, il semble lui donner tort ; mais c’est en lui donnant raison : « Tu veux toucher ? Eh bien ! Touche ! ».

 

Et Thomas recule, en faisant un bon en avant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Laconique aussi n’est-ce-pas ? Mais la plus magnifique profession de foi de la Seigneurie et de la divinité de Jésus, et c’est dans sa bouche qu’elle explose ! Thomas renonce à la primauté de l’expérience au profit de la foi. Il comprend enfin qu’aucune expérience, ni la vision de la croix, ni le toucher des plaies qui en font mémoire, ne pourra le convaincre de la Seigneurie du Crucifié sur le monde. Si de telles expériences sont possibles, elles ne le sont qu’un fois franchi le fossé qui sépare la crédulité de l’incrédulité, le doute de la foi. Fort de sa propre incrédulité, Thomas ne serait peut-être pas allé bien loin. Armé d’un doute qui l’ouvre aux expériences du monde et d’une foi qui lui donne le courage de les affronter, Thomas peut, de nouveau, se tourner vers l’extérieur, et donner sens à toutes les expériences que cet extérieur lui procure.

 

Etonnante apparition ! Etonnant dialogue ! car Jésus ressuscité, glorifié, Seigneur, ressemble au Jésus souffrant et non à une lumière éblouissante.

 

MON SEIGNEUR ET MON DIEU !

 

Conclusion et exorde : De cette rencontre, la foi est née. La foi naît toujours après une rencontre. Je crois vraiment que l’on a tort de faire de Thomas le prototype de tous les scepticismes. La foi n’est-elle pas compréhension et accueil de ce que l’évidence contredit ? La manifestation de Pâques est très loin derrière nous, ses témoins oculaires ont tous disparu. Mais la résurrection est aujourd’hui, une réalité présente, sans cesse manifestée et actualisée dans la rencontre avec le Christ vivant, chaque jour, à tous les instants de notre vie, chaque semaine aussi, dans le rassemblement des croyants qui célèbrent sa présence au milieu d’eux, au milieu de nous, ici, à Narbonne.

 

MON SEIGNEUR ET MON DIEU

 

Cette profession de foi nous appelle à entrer dans la joie de sa présence avec une entière confiance. Ce qui fonde notre espérance n’est-ce-pas la résurrection de Christ d’entre les morts et sa victoire sur les puissances de destruction et de mort ? Alors nous pouvons, nous aussi, comme les premiers disciples, comme les chrétiens des années 90, devenir des passeurs d’espérance et dire avec Thomas, avec eux tous : Mon Seigneur et mon Dieu ! et à la suite de Jésus, notre maître : « Je vous donne la paix ».

 

Prière : Seigneur, fortifie nos âmes pour tes combats. Fais de nous des âmes fidèles en dévouement, constantes en affection, tendre pour ceux que tu nous donnes à aimer.

Donne-nous l’amour, l’ardente compassion pour les misères des hommes, le don de souffrir avec ceux qui souffrent, et d’adoucir leurs larmes avec les nôtres.

Donne-nous faim et soif de justice, et, dans notre faiblesse, l’indomptable amour des causes justes et le courage de les défendre envers et contre tous.

Dirige nos destinées, dans ce monde déstructuré, conserve-nous la paix du cœur, ta paix, que tu nous donnes, et dans l’obscurité des heures douteuses, la sainte assurance que nous sommes en tes mains comme des enfants chéris, tranquilles dans leur sommeil dans les bras de leur Père. Garde dans nos cœurs la parole de ton Fils bien-aimé :

 

JE VOUS DONNE LA PAIX.

 

JE VOUS DONNE MA PAIX.

 

Amen.

 

Publié dans Prédications

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