Jean 10, 01 - 10 Tout dépend...

Publié le par lecoeuretlamain.over-blog.com

Narbonne 3 mai 2020

Jean 10, 13 - 35

 

Fil rouge : « tout dépend…»

(Avec Lire et Dire)

Prédication audio : https://drive.google.com/file/d/19MqTZchQ-3EqrlY0MaRMMDkEBCei2loq/view

 

Introduction : « Quel merveilleux passage de l’Évangile ! Je ne sais pas vous, mais moi je trouve génial un texte qui m’invite à me mettre à la place d’une brebis. Qui n’a jamais rêvé d’être un petit nuage cotonneux sur pattes ? (…) Bon, je pousse peut-être l’image un poil trop loin, excusez-moi… Ceci dit, ce texte me parle, précisément parce qu’il regorge d’images. (…) Par contre, ce n’est pas tout de dire que c’est cool d’être une brebis, après, il faut encore en comprendre la portée. Ce qui n’est visiblement pas très facile à en croire le verset 6. Heureusement que Jésus est fin pédagogue ! Après avoir expliqué l’importance de la voix, il explore l’image de la porte jusqu’à enfin affirmer la chance qu’on a d’avoir un bon berger qui s’occupe de nous ![1] » 

Les paraboles, ou plutôt comme ici, les métaphores, si toutefois, nous ne sommes pas trop contaminés par l’esprit de sérieux, sont faites pour notre plaisir d’interpréter, parce qu’elles sont constituées de multiples facettes, qu’elles offrent de multiples possibilités, et chacune est un chemin que notre spiritualité peut emprunter [2]».

Alors je me lance avec, à l’esprit, les auditeurs et les lecteurs de ce texte qui, à son audition ou sa lecture, peuvent entendre une chose ou une autre avec pour conséquence des chemins de vie qui peuvent être diamétralement opposés. Tout dépend… tout dépend des dispositions du cœur. Dans un premier temps, nous situerons le contexte scripturaire et temporel de notre texte, sans perdre de vue que Jésus s’adresse aux pharisiens tout au long de notre passage. Nous aborderons, dans un deuxième temps les images ; j’aime particulièrement sur celle de la porte. Et pour finir, nous parlerons du troupeau qui entre et sort par cette porte, un troupeau où l’on pourrait voir des brebis-moutons de Panurge ou rebelles, blanches ou noires, qui se prennent même parfois pour des chèvres récalcitrantes. Tout dépend…

 

1) Contexte : Le contexte : notre texte se situe juste après l’épisode de l’aveugle guéri où les pharisiens manifestent une mauvaise foi à faire grincer des dents ; ce qui conduit Jésus à les accuser d’aveuglement et de péché. Un contexte, donc, polémique qui explique le verset 1. Aveugles, pécheurs, voilà les adversaires de Jésus devenus des voleurs et des bandits. C’est à eux qu’il s’adresse.

Nous pouvons aussi situer le contexte de rédaction. Les lecteurs de l’Évangile de Jean, à la fin du premier siècle de notre ère avaient été expulsés de la synagogue et ils étaient en conflit ouvert avec les pharisiens qui avaient pris le pouvoir religieux. Et de plus, ils vivaient des brimades et des persécutions de la part des romains. Ils avaient vraiment besoin de compréhension et de réconfort, comme les juifs qui côtoyaient Jésus, troupeau aux bergers incompétents, balloté ça et là par des bergers imposteurs ou des froussards qui fuient à l’approche du loup. Alors voilà l’intervention d’un berger providentiel, efficace, empathique… ne connait-il pas chacune de ses brebis par son nom ? Fort et courageux aussi, à n’en pas douter. Car, à l’époque, les troupeaux étaient conduits dans des enclos où la porte n’avait pas de battants. C’était une ouverture, à l’air libre que l’on pouvait franchir dans un sens ou dans l’autre. Du coup, le berger, pour veiller sur son troupeau, s’allongeait carrément en travers et pour passer, il aurait lui marcher dessus. Un risque conséquent !

 

2 ) les images : Faisons, avec notre lecture, un aller-retour entre la réaction des auditeurs pharisiens et l’enseignement de Jésus tout en images.

- Les pharisiens, forcément, écoutent et n’en pensent pas moins. Que pouvaient-ils percevoir, en leur fort intérieur, de ce qui pour eux, n’est qu’un galimatias de propos tout à fait « hors de propos ». Le berger, évidemment, est dans l’imagerie juive un rappel de nombreux textes du Premier Testament. Par exemple, un berger, comme David, devenu roi. Jésus dit haut et fort avec cette image, sa légitimité, sa capacité à prendre soin d’un troupeau dont les pharisiens, qui connaissent les écrits du prophète Ézéchiel, savent qu’il n’est autre que le peuple d’Israël. Il connait chaque brebis par son nom et elles ne répondent qu’à sa voix ! Voilà, ce qu’affirme Jésus.

- Et maintenant, il parle de porte et rajoute même une couche supplémentaire à la controverse. « Moi, je suis la porte des brebis » : « Ego eimi » : moi je suis ! Voilà un terme qui ouvre une perspective absolument irrecevable pour ses adversaires. Quoi ! il ose se prétendre « Je suis » ! « eigo eimi» !… Peut-être ont-ils associé ces mots au Psaume que nous avons numéroté 23ème : « l’Éternel est mon berger ». Quelle audace ! quelle effronterie ! quel blasphème ! Un rien du tout qui s’auto-promeut berger et qui se prend pour l’Éternel ! Ou alors, à ses paroles, la malédiction du prophète Ézéchiel a-t-elle résonné dans leur cœur : « quel malheur pour les bergers d’Israël qui se repaissent eux-mêmes ![3] » Ce Jésus, décidément, il a toutes les audaces… LE berger ! et maintenant LA porte ! un passage protecteur et libérateur ! pourquoi pas, tant qu’à faire, dire que c’est lui qui a libéré Israël du joug égyptien en se faisant passage c'est-à-dire pâque ! C’est une façon de voir les choses. Je les imagine, ces pharisiens, au bord de la suffocation et de l’infarctus !

– le troupeau lui, parqué d’abord dans l’enclos, entend la voix du berger, et passant par la porte, le suit sans crainte, raconte Jésus. Nous y reviendrons.

 

Ces images, qui touchent les pharisiens comme autant de dards empoisonnés et les inondent d’une sombre, noire et meurtrière colère nous parlent, à nous aussi, aujourd'hui, à Narbonne, mais elles ont un tout autre effet en nous. Comme je le disais, tout dépend…

Écoutons d’abord Jésus parler de lui.

- Il est le berger capable d’affronter les pires situations pour son troupeau, jusqu’à la mort, poussant ainsi à son comble un amour passionné pour ses brebis. Une précision cependant : « Il annonce sa mort. Mais ce n’est pas ici dans le sens d’un sacrifice expiatoire. Cette mort est la conséquence du risque pris dans son affrontement décisif avec les puissances du mal. Il est le berger qui combat pour nous et offre librement sa vie pour nous faire vivre. Ce texte peut introduire une méditation sur le sens de la passion ».

- Il est aussi la porte que l’on peut franchir dans un sens ou dans l’autre ; « elle permet les allées et venues des brebis, symbole de liberté et de sécurité. » J’imagine que Jean, nourri des écrits anciens, avait, lui aussi, à l’esprit le Psaume 23 : « le Seigneur me fait coucher dans de verts pâturages, symboles de vie en abondance. Notre texte illustre la notion johannique de la vie éternelle, qui n’est pas seulement une grandeur eschatologique, mais déjà, réalité présente, à recevoir dans la foi ». Voilà ce que nous, aux antipodes des pharisiens, nous entendons. Oh oui ! tout dépend…

 

3) et nous ? Puisque nous parlons de nous, ce troupeau, parlons-en. Une affirmation nous imprègne, tout entier, d’un état serein dans nos cœurs apaisés : « le bon berger connait ses brebis, et ses brebis le connaissent ». Beaucoup de commentateurs font une transposition du troupeau à l’Église. Marion Muller-Colard écrit, je cite : « Mais l’Église n’est pas qu’un troupeau. (…) Jésus nous appelle tous et chacun, et c’est un défi ecclésiologique que cette tension nous lance. (…) car il nous faut à la fois répondre comme communauté, à la fois répondre comme sujet singulier (…) si je suis une brebis indifférente à la voix du berger et qui se contente, non pas de suivre le maître, mais de suivre le troupeau, comment ferais-je l’expérience que ce n’est pas seulement le troupeau que Dieu appelle, mais aussi moi par mon nom ?[4] » Tout dépend…

Quant à moi, « j’accepte d’être cette brebis et je me remets dans les mains du berger. Le berger qui m’offre la vie, la Vie [avec un grand « V »], le berger qui m’offre la liberté, et vers lequel je peux revenir sans cesse. Le berger dont je connais la voix, qui m’aime et que j’aime. Le berger qui est pour moi à la fois porte ouverte et porte protectrice. Le berger en qui je peux me reposer et reprendre force et énergie avant de repartir vers de nouvelles aventures ». Aventure avec moi mais aussi aventure avec l’Église !

 

3) Conclusion : En conclusion, je pourrais redire : « tout dépend… », tout dépend de la façon dont nous recevons cette métaphore, tout dépend de la façon dont nous accueillons l’Écriture quand nous en ouvrons les pages.

A la manière pharisienne, dans la certitude que nous savons déjà, et que ces paroles sont autant de blessures inacceptables pour mon petit égo confortablement installé dans une auto-satisfaction béate. Hélas ! cela m’arrive plus souvent que je ne le voudrais…

A la manière du petit peuple juif qui suivaient Jésus à la trace pour obtenir de lui miracles et guérisons… ah ! parfois, moi aussi, j’en demande.

A la manière des disciples qui le suivaient parce que, comme l’a dit Pierre, il a des paroles de vie éternelle… c’est là ma confession de foi.

A la manière des disciples au temps de la rédaction de l’Évangile selon Jean, qui entendaient la consolation portée jusque dans leur cœur par l’Esprit saint… je la reçois aussi dans la reconnaissance et la gratitude.

Et oui, pour ma part, je crois bien que j’ai entendu ce texte de toutes ces manières là, selon mon humeur du jour ou du moment. Tout dépend… Et pour toi, ça dépend de quoi ?

Amen.

 

Publié dans Prédications

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article