Matthieu 24, 37 - 44 : comme une symphonie...

Publié le par lecoeuretlamain.over-blog.com

ESAIE 2, 1 - 5

ROMAINS 13, 11 - 14

MATTHIEU 24, 37 - 44

Introduction : Voilà des textes qui résonnent à nos oreilles du 21ème siècle comme une musique anharmonique, plutôt grinçante à la limite du supportable ! Non pas qu’elle ne soit pas une bonne musique, la partition est canonisée et l’Auteur reconnu de tous, mais comment l’entendons-nous ? L’avènement du fils de l’homme ? les temps sont proches ? Montons à la montagne de l’Eternel ? …. Des textes que d’aucuns utilisent pour faire peur, pour engranger des paroissiens, des œuvres supposées de salut et des dons financiers, pour aussi creuser un abîme, ou monter un mur bétonné entre les bons et les méchants, les justes et les injustes tels qu’ils les ont eux-mêmes définis. L’Evangile n’est-il pas bonne nouvelle, promesse, espérance ? Je le crois. Comment donc entendre ces textes aujourd'hui ? Comme une symphonie puissante avec un thème à la fois fort et sensible ou bien est-ce une partition mal fagotée ? Ce matin, puisque nous sommes le premier dimanche de l’Avent, nous les écouterons, en concert, avec quelques explications pour en comprendre les dissonances ; et, en finale, un conte de noël, avec pour dernier accord…. mais nous en sommes pour le moment à l’ouverture.

1) les textes :

- Esaïe : Prélude : le texte d’Esaïe présente la vision d’un mont Sion qui rassemble tous les peuples dans une paix idyllique initiée non par les hommes, mais par Dieu. On y voit les hommes venir en pèlerinage vers le lieu où Dieu se manifeste dans sa gloire et sa justice. Le mont Sion pour Esaïe, c’est le lieu d’où sort la parole. C’est le lieu où Dieu se manifeste dans sa justice. Israël, dans cette attente, vit chaque jour sous la loi de 613 commandements qu’il faut observer pour espérer vivre la réalisation de la promesse. Ces dernières mesures résonnent comme un grincement à mes oreilles.

Qu’en est-il donc pour nous, nous qui sommes venus à la suite de Jésus le christ, mort et ressuscité ? « Pour nous, cette justice promise s’est manifestée en la personne de Jésus. Avec sa mort et sa résurrection, le mont Sion a cédé le pas à la colline de Golgotha où nous sommes transformés par la Grâce et solidement ancré en Christ »[1]. La loi est accomplie. La grâce est offerte. Alors monte comme une vague le thème de la partition : Dieu est là, il offre une espérance. Ma vie l’accueille-t-elle ?

- Paul : Scherzo : les paroles de Paul aux Romains. Elles pourraient être lues de façon dualiste, tout en noir et blanc, et on les écoute avec l’envie de se boucher les oreilles. Quelle est donc la pensée de Paul ? La nuit est avancée, le jour approche dit-il. « Une opinion largement répandue, c’est qu’aujourd’hui le monde va mal. Notre planète est malade, la pollution a atteint des seuils-limites. L’économie est en crise, le chômage progresse, les partis extrémistes de tous bords ont la cote. Les guerres prennent des dimensions toujours plus inquiétantes et les armes nucléaires prolifèrent. Et ne parlons pas du terrorisme ! Face à ces scénarios-catastrophes, Paul tient un langage qui va à contrecourant. A la nuit succédera le jour. L’avenir qui nous attend est celui de la présence de Dieu. Pourtant l’optimisme de Paul n’est pas naïf ; il discerne la nuit, et il sait que nous y sommes encore. Seulement, il a foi en un Dieu qui nous aime et qui nous arrachera des ténèbres dans lesquelles notre monde semble s’engouffrer. Il perçoit déjà les premiers rayons d’un jour nouveau. Le thème remonte doucement, tout doucement dans la musique grinçante, jusqu’à son point d’orgue : Jésus Christ a été le premier rayon de ce jour. Il a déjà commencé à briller dans notre vie quand nous l’avons accueilli comme Seigneur, même si nous vivons dans un monde où il fait encore sombre. »[2] Les paroles que Paul adresse aux Romains convertis, tout droit sortis des débauches d’une civilisation en fin de parcours, ces paroles-là sont très dures ; le violon joue, on dirait la porte d’un château des Carpates, qui gémit sur l’immensité d’un hall démesuré. A nouveau, en fond, comme un renouveau derrière la musique lugubre monte l’appel de l’espérance. Car, à travers Jésus, le Christ, la promesse de Dieu nous rappelle l’espérance du jour qui point à l’horizon et dans l’attente de ce jour, elle nous interdit la résignation, les « à quoi bon », les « il n’y a rien à faire »…. Dieu est là, il offre une espérance, une espérance qui peut remplir ma vie.

- Matthieu : Gigue : le chapitre 24 de l’évangile de Matthieu est celui de tous les dangers d’interprétation, comme les précédents d’ailleurs. L’annonce d’un temps ressemblant à celui du déluge dont parle la Genèse, la destruction de nombreuses personnes, 1 sur 2, dit le texte, encore que ces statistiques là sont quand même plus optimistes que les 8 personnes rescapées du monde entier de l’époque de Noé... Et qui plus est, des personnes occupées toutes à vivre, tout simplement, leurs activités quotidiennes, nécessaires, humaines. Jésus peut-il reprocher aux hommes d’être des hommes, aux femmes d’être des femmes, aux enfants d’être des enfants ? Il a suffisamment montré, je devrais dire, prouvé, jusqu’à la mort sur la croix, qu’ils les aimaient tels qu’ils étaient. Alphonse Maillot commente ainsi ce passage expliquant la disharmonie de la symphonie : « [Ils] qui croient vivre en consumant leur vie dans un appétit, une fièvre de vie, qui sont aussi autant d'essais d'oublier de vivre. On ne doit ni se laisser vivre ni vivre en "surrégime", mais recevoir, chaque jour, paisiblement, sa tranche de vie comme pouvant être la dernière, mais aussi comme un don réel qu'il nous est possible de remplir de vie. Attention ! Jésus n'interdit pas ici qu'on mange, boive ou se marie, mais que l'on croie que cela suffit à rendre une vie réelle. » Voilà d’où nous vient cette sensation de fausses notes : une compréhension de vie à l’horizontale sans aucune autre dimension. Chaque instrument joue seul sa partition oubliant qu’il est partie d’un tout plus grand qu’il ne le perçoit et le joue. Alors quand ils se taisent, le piano reprend le thème comme un jaillissement de vie, de vie en Christ. J’aime l’expression « recevoir chaque jour sa tranche de vie quotidienne » en symbiose avec le thème de la symphonie et dans le conte que je vous propose, ce thème là transparait sous chaque accord : Dieu est présent, il nous offre sa grâce, comment l’accueillons-nous ?

2) La légende du Père Martin : Et voilà notre finale. Connaissez-vous la légende du père Martin ? Le père Martin avait reçu la promesse que Jésus lui rendrait visite le jour de Noël. C’était un vieux cordonnier, ni riche, ni pauvre, mais solitaire, si seul, si seul. Alors, à la nouvelle de cette visite, avec fébrilité, il prépare du café bien chaud qu’il garde sur un coin de feu, quelques galettes bien sucrées, des chocolats enrobés dans leur papier doré, demain c’est Noël, n’est-ce pas ? et confortablement installé dans son fauteuil au coin du feu, tout près de la fenêtre d’où il peut voir la rue, il attend, la nuit passe, le jour commence à poindre et toujours rien... Peu à peu le ciel s'éclaire et le père Martin ne tarde pas à voir paraître sur la place, le balayeur de rues, le plus matinal de tous les travailleurs. Il ne lui accorda qu'un regard distrait ; il avait, en vérité, bien autre chose à faire qu'à regarder un balayeur de rues ! Cependant il paraissait faire froid au dehors, le cantonnier, après avoir donné quelques vigoureux coups de balai, ne tarda pas à éprouver le besoin de se réchauffer. Le brave homme, se dit le père Martin, il a froid, tout de même. C'est fête aujourd'hui..., mais non pas pour lui. Si je lui offrais une tasse de café ? Et il frappa contre la vitre. Le balayeur tourna la tête, vit le cordonnier dans la porte et s'approcha. «Entrez, dit-il, venez vous réchauffer. Voulez-vous une tasse de café ? Le cordonnier servit son hôte à la hâte, puis se pressa de retourner à la fenêtre. Qu'est-ce donc que vous avez à regarder dehors ? dit le cantonnier. J'attends mon Maître Jésus, répondit Martin, qui peut venir à toute heure, et qui m'a promis de venir aujourd'hui. (…) Puis le cantonnier sortit et le père Martin se remit à guetter.

Au bout d'une heure ou deux, ses regards furent attirés par une jeune femme, misérablement vêtue, portant un enfant dans ses bras. Elle était si pâle, si décharnée, que le cœur du vieillard s'émut. « Elle n’a même pas un vêtement chaud sur elle », se dit-il. Peut-être cela le fit-il penser à sa fille. Il ouvrit sa porte et l'appela ! — « Eh ! dites donc ! » La pauvre femme entendit cet appel, et se retourna, surprise. Elle vit le père Martin qui lui faisait signe d'approcher. — « Vous n'avez pas l'air bien portante, madame ». – « Je vais à l'hôpital », répondit la jeune femme. « J'espère bien qu'on m'y recevra, avec mon enfant. Mon mari est en mer et voilà trois mois que je l'attends, je n'ai plus le sous et il faut que j'aille à l'hôpital » ! — « Pauvre femme ! » dit le vieillard attendri. Chauffez-vous et laissez-moi le marmot. Quoi ! Vous ne lui avez pas mis des vêtements d'hiver ? » -« Je n'en ai point » soupira la pauvre femme. « Attendez donc, j'ai des souvenirs de ma fille que je garde précieusement », et il les remit à la femme. Il étouffa un soupir, « Bah ! se dit-il je n'en ai plus de besoin pour personne, maintenant.» Et il revint à la fenêtre. —(…) À attendre ainsi cette visite, notre cordonnier n’a jamais été aussi attentif aux autres et à lui-même ainsi qu’à Jésus : aux uns il dit bonjour, à un autre il offre un café, à un petit enfant, il fit don de ses galettes, à plusieurs autres de ses chocolats dorés ; puis il y eut les précieux jouets de sa fille et quelques uns de ses vêtements… Cette attente a transformé également tous les autres soucis en les subordonnant à l’attente.

Conclusion : Votre tranche de vie, aujourd’hui, est celle de l’attente de votre Seigneur. Pèlerin du cœur qui monte vers lui et chaque jour désire ardemment en être plus proche, comme Israël y est exhorté par le proto-Esaïe ; l’être en perpétuelle transformation pour aimer mieux et plus chaque jour, comme Paul y encourage les chrétiens romains ; vivre sa vie se tenant prêt comme nous y encourage Jésus, ne sommes-nous pas tous des « père » et des « mère » Martin, dans l’attente paisible et assurée qui nous projette vers le Jésus que nous pouvons croiser à tout instant sur notre chemin ? Alors, au moment où la symphonie se fait place en moi et m’habite, j’entends s’élever une autre partition, sereine et forte à la fois. Vous aussi, j’en suis sûre. Ecoutez : «J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. »[3]. Viens, Seigneur Jésus ! Amen.

[1] Lire et dire Pavel Gajewski

[2] lire et dire

[3] matthieu 25, 35-36

Publié dans Prédications

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article